Cyrille
avançait doucement, sur le qui-vive. Il n’avait pas eu besoin d’allumer la
lampe torche qu’il avait emmenée, la lune illuminant suffisamment le
chemin.
Quand il approcha du bassin, il entendit
le même clapotis que la veille au soir. Eclairée par l’astre nocturne, la
sirène, assise sur la berge, contemplait les étoiles. Les gouttelettes d’eau
sur sa peau brillaient comme une myriade de pierres précieuses.
Il
y eut soudain un grand remous dans le bassin. Cyrille se cacha derrière le
tronc d’un arbre et assista, médusé, à l’apparition d’une créature terrifiante,
digne des films d’horreur qu’il regardait à l’adolescence.
Deux gigantesques tentacules émergèrent
et leurs ventouses luisantes s’agrippèrent à la berge, près de la sirène. Une
pieuvre aux dimensions de montgolfière se hissa alors hors de l’eau. La femme
la regarda avec le même air grave et mélancolique qu’elle arborait quand le
scientifique l’avait vue à travers son objectif. L’animal et la sirène
semblèrent dialoguer en silence. La femme poisson soupira, puis se laissa glisser
dans l’eau et disparut quelques secondes.
Elle revint les bras chargés de poissons
d’une bonne taille. Manifestant son enthousiasme, le monstre frappa la surface
de l’eau avec ses tentacules et ouvrit une gueule hérissée de dents dans
laquelle la sirène jeta sa pêche nocturne. Une fois la bête repue, la sirène
montra ses paumes pour lui indiquer que le festin était fini. Comme on le
ferait à un animal de compagnie, elle flatta de la main l’une des tentacules,
puis s’installa de nouveau sur le bord du bassin et reprit sa contemplation des
étoiles.
La gigantesque créature émit une sorte de
plainte, estimant sans doute que le repas n’était pas suffisant, et regagna son
repère sous-marin dans une gerbe d’eau. La sirène était à nouveau seule.
Cyrille
était indécis. Devait-il entrer en contact avec la sirène ?
Ce fut elle qui décida pour lui :
elle se retourna, le vit et lui sourit. Le scientifique s’approcha doucement du
grillage, pour ne pas l’effaroucher. Il passa ses doigts dans les mailles
métalliques et amena son visage le plus prés possible.
La sirène le considéra avec curiosité et,
s’appuyant sur ses mains pour avancer sur la berge, vint à la rencontre de
Cyrille, sortant complètement de l’eau.
Ils n’étaient plus qu’à quelques
centimètres l’un de l’autre, image totalement irréelle d’un homme face à une
légende.
-
Bonsoir,
murmura le jeune homme. Je… je m’appelle Cyrille. Et toi ?
La femme cligna des yeux, semblant
réfléchir, puis elle ouvrit grand la bouche, dévoilant des petites dents
pointues. Elle montra du doigt sa langue et secoua la tête.
-
Tu
ne sais pas parler ? C’est ça ?
La sirène acquiesça.
-
Ca
va faciliter les échanges… marmonna Cyrille.
La créature commença à dessiner quelque
chose avec son index dans la terre meuble de la berge. Quand elle eut fini,
elle insista pour que le scientifique regarde. Il alluma sa torche et pointa
son faisceau sur les signes qui formait un mot : Despina… le nom de la
fille de Poséidon et de Déméter dans la mythologie grecque…
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