Le monde de la magie





       Cassandre éteignit la télé en toute hâte et se cacha sous sa couette, où elle fit semblant de dormir. Ses parents avaient été clairs : interdiction pour elle de regarder le dernier Harry Potter qui passait ce soir. D’une part, elle avait école demain. Et d’autre part, elle n’avait pas eu le droit de lire le livre, alors regarder le film… 
Monsieur et Madame Labeille estimaient en effet qu’à dix ans passés, elle était trop jeune pour lire ou voir les trois derniers volets de l’histoire du petit sorcier britannique. Bon, ils ne savaient pas que leur fille avait lu l’intégralité des sept tomes, qu’elle avait empruntés en cachette à la bibliothèque. Mais pour les films, elle était bloquée… 
Elle retint son souffle pour écouter les bruits dans le couloir. Rien… 
Comme elle aurait aimé pouvoir lancer un sort pour écouter les conversations de ses parents. Mais voilà, elle n’était pas sorcière. Juste une petite fille ordinaire.

       Avec un gros soupir, elle repoussa la couverture et s’allongea sur le dos. Contemplant le plafond, elle s’imagina ce que serait sa vie si, comme Harry, elle recevait sa lettre demain, le jour de ses onze ans. Oh, bien sûr, elle n’irait pas à Poudlard. Non, elle irait à Beauxbâtons, puisqu’elle était française. 
Elle soupira à nouveau et ferma les yeux. Ce faisant, elle ne vit pas la chouette qui venait de passer devant la fenêtre de sa chambre, une enveloppe dans le bec. Une enveloppe sur laquelle une plume avait écrit son adresse. Une enveloppe qui allait changer toute sa vie… 


      Quand elle descendit dans la cuisine, le lendemain matin, elle sentit bien que quelque chose avait changé. Ses parents étaient à table devant leurs bols de café, qui semblaient froids depuis des heures. Lorsqu’ils la virent sur le pas de la porte, ils se forcèrent à sourire : 
- Joyeux anniversaire Cassandre !!! 
Après les embrassades de rigueur, la jeune fille reçut son cadeau : un magnifique pendentif en or représentant un oiseau. 
- Ce n’est pas n’importe quel oiseau, précisa sa mère, la voix tremblante. C’est un phénix. Un oiseau très rare, qui renaît de ses cendres. 
Cassandre ne comprenait pas ce qui se passait. Elle ne prenait que onze ans, elle n’allait pas quitter la maison de sitôt. Pourquoi ses parents semblaient-ils aussi émus ? 

       Sans un mot, elle s’assit à sa place. En équilibre sur le bol, une enveloppe était posée. Sans doute la traditionnelle carte de sa grand-mère. Elle s’en saisit pour la décacheter mais, avant de l’ouvrir, son regard fut attirée par l’adresse. Elle avait été rédigée à la plume et ce n’était absolument pas l’écriture de sa grand-mère. Intriguée, elle l’ouvrit.








      Cassandre s’étrangla : une lettre d’admission dans une école de magie ! Elle regarda ses parents, incrédule. Son père et sa mère avaient l’air tellement gênés qu’elle s’attendait à ce qu’ils disparaissent sous la table. 
- Vous le saviez ? 
Son père s’éclaircit la gorge avant de répondre :
- Nous l’avons toujours soupçonné… 
- C’est-à-dire que c’est plus ou moins héréditaire, renchérit sa mère. 
- Héréditaire ? Mais vous n’êtes pas sorciers que je sache ! 
- Non, mais ta grand tante Ilda l’était. Elle avait d’ailleurs fait ses études avec Madame Agrippa, l’actuelle directrice de Beauxbâtons… 
- Et vous comptiez me le dire quand ? 
- Si tu n’avais pas reçu cette lettre, jamais ! s’écria sa mère. Nous voulions à tout prix te cacher ce monde étrange. 
- C’est pour cela que nous avons vu d’un mauvais œil que tu t’intéresses à ce Harry Potter… D’ailleurs, ce ne sont que des fadaises… 
- Pas tant que ça ! répliqua la fillette. Il y est tout de même question de Beauxbâtons et la liste des fournitures me paraît très semblable à celle du livre ! D’ailleurs, où vais-je pouvoir me procurer tout cela ? 
- En tant que moldus, nous n’avons aucune idée de la conduite à tenir. Mais nous sommes restées en contact avec ma cousine, la fille de la Tante Ilda, répondit Madame Labeille. Elle nous aidera sûrement ! 

     Pendant les semaines qui suivirent, Cassandre rencontra à plusieurs reprises Gaïa Astuce, la cousine de sa mère. C’était une belle femme d’une quarantaine d’année, toujours de bonne humeur. Elle s’habillait avec de longues jupes fluides et des corsages à fleurs. Dans ses longs cheveux auburns, elle plantait parfois des fleurs sauvages. 
Elles passèrent des après-midi entiers à discuter magie. L’apprentie sorcière demanda à son aînée pourquoi elle n’avait développé aucun pouvoir. Gaïa répondit que cela était normal. En France, pour protéger les enfants sorciers, un sort les empêchait de pratiquer la magie avant leur onzième anniversaire. C’est la cérémonie d’intronisation, à leur arrivée au collège de Beauxbâtons, qui levait le verrou. Cassandre avait hâte d’y être. 

      L’une des premières sorties qu’elle avait fait avec la sorcière confirmée les avait emmenées dans le quartier historique du Marais, à Paris. Là, Gaïa l’avait conduite devant le musée de la magie. Une grande devanture rouge annonçait en lettres d’or : « Académie de magie ». 
Cassandre sourit avant de comprendre que c’est là qu’elles se rendaient. 
Elles descendirent un escalier puis traversèrent le hall d’accueil qui présentait quelques attractions telles que des automates ou des tableaux étranges. L’homme qui tenait la caisse semblait connaître sa grande cousine puisqu’il les laissa passer sans les faire payer, les saluant d’un signe de la tête. 
Elles entrèrent dans la salle des voûtes, qu’une affiche annonçait comme étant un refuge nocturne au seizième siècle pour les voyageurs et leurs chevaux. On y trouvait toutes sortes d’objets liés de près ou de loin à la magie. 
- La plupart de ce qui est entreposé ici n’est que poudre aux yeux et artifices, déclara Gaïa. Mais cela permet de nous cacher aux yeux des Moldus…. Suis-moi ! 
Elle entraîna Cassandre dans une autre salle où le maître mot était l’illusion d’optique. La sorcière marcha d’un pas décidé vers le mur sur lequel était accroché un miroir de deux mètres de haut. Quand on se regardait dedans, on se voyait la tête à l’envers. Etonnant ! 

      Gaïa ne ralentit pas, son long jupon blanc flottant derrière elle comme une voile. Elle traversa le miroir, laissant derrière elle une Cassandre éberluée. La jeune fille était restée plantée devant la glace quand une main en sortit et l’attira à l’intérieur. Elle se retrouva alors dans une rue pavée large et bordée de boutiques. L’architecture des bâtiments était typique du quartier du Marais : immeubles haussmanniens et hôtels particuliers du XVIIème siècle. On aurait pu se croire près de la place des Vosges, si les promeneurs ne portaient pas des capes ou ne tenaient pas en laisse des crapauds… En outre, le nom des boutiques ne laissait aucun doute : A la baguette ensorcelée, Tours et Sortilèges, etc. On était bien dans le monde magique !
- Redonne-moi ta liste de fournitures… Voyons voir… Eh bien, nous allons commencer par les manuels scolaires…
Elles entrèrent donc dans un magasin dont la devanture était composée de centaines de livres empilés les uns sur les autres, jusqu’à former une arche. Cassandre se demanda aussitôt comme tout cela tenait… 

     A l’intérieur, une foule de futurs élèves accompagnés de leurs parents se pressaient dans les rayons. Malgré le brouhaha assourdissant, les libraires arrivaient à satisfaire chaque demande. 
Quand cela fut le tour de Cassandre, elle n’eut qu’à dire qu’elle entrait à Beauxbâtons en première année et à tendre sa liste. D’un petit coup de baguette, la jeune vendeuse fit voler le document jusqu’à sa collègue qui se tenait sur une échelle, le long des bibliothèques. Celle-ci vit rouler son escabeau jusqu’à l’étagère voulue et prépara une pile de livres qu’elle envoya par les airs jusqu’au comptoir. 
Cassandre vivait un rêve éveillé. Elle poussait des petits cris de joie toutes les deux minutes et ne cessait de s’extasier sur tout ce qu’elle voyait, entendait, touchait, etc. 
Après les essayages de ses tenues à la boutique Du Fil Doré, Gaïa emmena sa petite cousine manger une glace chez Messire Gelati, le meilleur confiseur du monde magique. La fillette goûta pour la première fois une glace à la salsepareille. Elle sut immédiatement que cela allait devenir son dessert préféré.

     Lorsqu’elle rentra chez elle, Cassandre dit à ses parents qu’elle ne pourrait jamais oublier cet après-midi, que c’était le plus beau de toute sa vie. Si Monsieur et Madame Labeille étaient très peinés par cette remarque, ils comprenaient que leur petite fille n’appartenait désormais plus au monde des simples mortels. 

      L’été passa et le jour de la rentrée se rapprochait à grands pas. L’apprentie sorcière avait essayé plusieurs tours sans parvenir à d’autre résultat que de mettre le feu à sa corbeille à papier… 
Elle passait beaucoup de temps à lire les ouvrages scolaires qu’elle avait acheté, espérant ainsi se rapprocher le plus possible du monde magique. 
Ses affaires étaient fin prêtes depuis des jours. L’animal qu’elle avait choisi, une petite chatte noire aux yeux verts qu’elle avait nommée Bastet, sentait sa fébrilité et ne cessait de miauler devant la porte. 

      Le jour J, ses parents et Tante Gaïa l’emmenèrent à l’aéroport de Roissy. Cassandre était un peu étonnée. Elle pensait que, comme dans le film d’Harry Potter, elle partirait d’un endroit aussi pittoresque que la voie 9 3/4, une cheminée ou au moins dans une voiture volante. 

Ils se dirigèrent tous les trois vers le comptoir d’une compagnie aérienne dont la jeune fille n’avait jamais entendu parler : Magnus Air line. L’hôtesse au sourire radieux les guida jusqu’à un petit salon où Cassandre dût faire ses adieux à sa famille. Même si elle était très heureuse de partir, elle devait avouer que l’émotion était très forte. 
Equipée d’un charriot sur lequel elle avait entassé ses valises et la cage de transport de Bastet, elle passa une nouvelle porte, seule cette fois. La première chose qu’elle nota fut l’odeur. Une odeur de miel, de chocolat, de caramel et de fruits. Bref une odeur de confiserie. Elle fut ensuite assaillie par le bruit : des centaines de filles parlaient avec animation. Enfin, un moment éblouie, elle découvrit la pièce dans laquelle elle venait de pénétrer. Il s’agissait d’un hall de gare monumental, aux voutes de pierre sculptées. Des charriots roulaient seuls à la rencontre des arrivants pour leur proposer viennoiseries, bonbons et boissons fraîches. Eblouie, Cassandre se heurta à une autre future élève, tout aussi impressionnée qu’elle : 
- Oh pardon ! s’excusa la petite brune aux cheveux courts. 
- Non, c’est moi ! répondit Cassandre. 
Après un court moment de silence, elles éclatèrent de rire. 
- Je m’appelle Andromède et toi ? 
En quelques minutes, les deux fillettes étaient devenues les meilleures amies du monde. 

      Soudain, une musique de harpe envahit le hall, couvrant le brouhaha des bavardages. Une voix annonça dans le haut-parleur : 
- Toutes les élèves de Beauxbâtons sont priées de se présenter au poste d’embarquement. N’oubliez pas de confier votre animal de compagnie à la sorcière de garde. Vous le retrouverez à votre arrivée. 
Cassandre et Andromède suivirent le flot. Des filles d’un âge compris entre onze et dix-sept ans marchèrent jusqu’à une nouvelle porte qui menait à l’extérieur. Ce qu’elles découvrirent fut une nouvelle source d’émerveillement : sept carrosses à deux étages, aux couleurs de l’école de magie française et tirés pas des magnifiques chevaux ailés blancs. 
On repérait tout de suite les nouvelles recrues car elles restaient bouches bée devant le spectacle. De jeunes sorcières, portant une écharpe argentée, interpellaient les élèves : 
- Mesdemoiselles ! Merci de monter dans le carrosse correspondant à votre année. Pour vous repérer, consulter les banderoles. 
Cassandre aperçut alors les bannières qui flottaient gracieusement au-dessus de chaque véhicule, chacune avait une couleur et un emblème précis. Visiblement à Beauxbâtons, la répartition des étudiantes se faisaient par année d’étude et non par maison. Andromède lui murmura à l’oreille : 
- Ma sœur qui est en quatrième année m’a dit que la préfète des premières années était vraiment sympa… 
A peine avait-elle fini sa phrase qu’une grande sorcière à la longue chevelure flamboyante se planta devant elles. Elle arborait une étole parme. Une préfète à n’en pas douter ! 
- Alors les filles ! On traîne ? Allez, allez ! On monte dans le carrosse, mes petites grenouilles, s’exclama-t-elle avec un clin d’œil amical. 

       Lorsque toutes les élèves furent montées, les chevaux ailés prirent enfin leur envol. Cassandre resta le nez collé à la vitre une bonne partie du voyage. Ils survolèrent la moitié de la France. Il était difficile de savoir exactement au-dessus de quelles villes ils passaient mais la jeune fille reconnut le massif central à son relief particulier. Puis ils abordèrent un paysage plus plat avant d’attaquer une haute montagne : les Alpes ? 
Au sommet d’un mont enneigé, les carrosses précédant celui des premières années amorcèrent leur descente. Cassandre aperçut alors un magnifique château aussi immaculé que la blancheur de la montagne qui l’entourait. 
Ils atterrirent dans la cour où une dizaine de sorciers et sorcières les accueillir. La petite sorcière reconnut tout de suite Eloïse Agrippa, la directrice, Gaïa la lui ayant montrée en photos. C’était une femme minuscule et frêle, le portrait craché d’une gentille petite grand-mère. Elle avait néanmoins la réputation d’être une redoutable sorcière. D’ailleurs, devant le brouhaha de toutes ces jeunes filles bavardant sans retenu, elle agita se baguette. Aussitôt, le silence se fit : les étudiantes étaient désormais muettes…
Aux côtés de la directrice, un homme à la chevelure blonde platine et aux oreilles pointues sourit devant la surprise des filles qui ne pouvaient plus émettre un son. Cassandre supposa tout de suite qu’il s’agissait de Julius Dumarais, le directeur adjoint. On lui prêtait des ascendances elfiques et une très grande empathie. 
Eloïse prit enfin la parole : 
- Mes chères enfants, vous voici à nouveau à Beauxbâtons pour une année scolaire qui s’annonce riche. Bienvenue aux nouvelles petites sorcières ! Puisse cet endroit être votre deuxième maison ! 
De cela, Cassandre ne doutait pas… Elle suivit ses camarades dans la grande salle pour assister à la cérémonie d’intronisation. Elle allait maintenant recevoir l’autorisation d’utiliser ses pouvoirs. Elle avait le sentiment qu’elle pourrait accomplir de grandes choses. 

       Mais cela, c’est une autre histoire… 

3 commentaires:

  1. Un univers autour de la magie, en plus un clin d'oeil à Harry Potter. J'adore!!!!! :)

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  2. Beauxbâtons! Joli nom pour l'école française de magie... un récit où l'imaginaire est roi! Bravo

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